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vendredi 25 décembre 2020

La Dernière Visiteuse

 En ce Noël 2020… point d’inspiration encore pour un conte qui, en quelques lignes, pourrait dire cette étrange caravane d’événements de cette année 2020… La pandémie, le décès d’êtres chers et aimés, l’apocalypse du 4 août à Beyrouth, la caravane de la misère qui, comme un rouleau compresseur écrase tout sur son passage… nivelant nos cœurs et nos vies. Mais à chaque passage de cette cohorte de petits et grands bobos, de drames et de tragédies la vie reprend. Souvent timide juste une toute petite pointe verte qui pointe dans nos cœurs labourés ou dans le regard des autres… Alors en ce Noël un conte des frères Tharaud, Jean et Jérôme, La Dernière visiteuse, s’est imposé à moi. Il fut une époque où les Contes de la Vierge dont il est extrait était mon livre de chevet. Doux et saint temps de Noël à chacun et à chacun des vôtres.

La Dernière Visiteuse

C’était à Bethléem à la pointe du jour. L’étoile venait de disparaître, le dernier pèlerin avait quitté l’étable, la Vierge avait bordé la paille, l’Enfant allait dormir enfin. Mais dort-on la nuit de Noël ?..

Doucement la porte s’ouvrit, poussée, eût-on dit, par un souffle plus que par une main, et une femme parut sur le seuil, couverte de haillons, si vieille et si ridée que, dans son visage couleur de terre, sa bouche semblait n’être qu’une ride de plus.

En la voyant, Marie prit peur, comme si ç’avait été quelque mauvaise fée qui entrait. Heureusement Jésus dormait ! L’âne et le bœuf mâchaient paisiblement leur paille et regardaient s’avancer l’étrangère sans marquer plus d’étonnement que s’ils la connaissaient depuis toujours. La Vierge, elle, ne la quittait pas des yeux. Chacun des pas qu’elle faisait lui semblait long comme des siècles.

La vieille continuait d’avancer, et voici maintenant qu’elle était au bord de la crèche. Grâce à Dieu, Jésus dormait toujours. Mais dort-on la nuit de Noël ?…

Soudain, il ouvrit les paupières, et sa mère fut bien étonnée de voir que les yeux de la femme et ceux de son enfant étaient exactement pareils et brillaient de la même espérance.

La vieille alors se pencha sur la paille, tandis que sa main allait chercher dans le fouillis de ses haillons quelque chose qu’elle sembla mettre des siècles encore à trouver. Marie la regardait toujours avec la même inquiétude. Les bêtes la regardaient aussi, mais toujours sans surprise, comme si elles savaient par avance ce qui allait arriver.

Enfin, au bout de très longtemps, la vieille finit par tirer de ses hardes un objet caché dans sa main, et elle le remit à l’enfant.

Après tous les trésors des Mages et les offrandes des bergers, quel était ce présent ? D’où elle était, Marie ne pouvait pas le voir. Elle voyait seulement le dos courbé par l’âge, et qui se courbait plus encore en se penchant sur le berceau. Mais l’âne et le bœuf, eux, le voyaient et ne s’étonnaient toujours pas.

Cela encore dura bien longtemps. Puis la vieille femme se releva, comme allégée du poids très lourd qui la tirait vers la terre. Ses épaules n’étaient plus voûtées, sa tête touchait presque le chaume, son visage avait retrouvé miraculeusement sa jeunesse. Et quand elle s’écarta du berceau pour regagner la porte et disparaître dans la nuit d’où elle était venue, Marie put voir enfin ce qu’était son mystérieux présent.

Ève (car c’était elle) venait de remettre à l’enfant une petite pomme, la pomme du premier péché (et de tant d’autres qui suivirent !) Et la petite pomme rouge brillait aux mains du nouveau-né comme le globe du monde nouveau qui venait de naître avec lui.

Jérôme et Jean Tharaud.

Les Contes de La Vierge. Paris, Plon, 1940, in-16, VI-259 p.

dimanche 25 octobre 2020

Emmanuel Macron à Beyrouth. Impressions de voyage

 

Emmanuel Macron à Beyrouth

Impressions de voyages

Ma camarade Nada Nassar-Chaoul avec qui j’ai usé les bancs des Dames de Nazareth a consacré sa chronique mensuelle dans L’Orient littéraire du mois d’octobre 2020 au président Emmanuel Macron. Il s’en est suivi tout au long de la journée du jeudi 2 octobre une discussion « wattsapp » sur le groupe des copines promo 75. Voici ma contribution qui prend aujourd’hui une toute autre dimension avec les derniers actes terroristes en France.

Mes copines… Le 5e de cavalerie est décidément mon corps d’armée préféré puisque j’arrive toujours bonne dernière.

Nada, j’ai lu avec beaucoup de tendresse amusée ton texte qui, comme dans un miroir, nous rendait à chacune notre portrait parfait de « ménagères de plus de 50 ans », énamourées de ce président de la République française qui ne ressemble à aucun autre.

Oui, j’ai aimé la posture gaullienne et le discours gaulliste.

Oui, j’ai aimé ce diagnostic chirurgical et précis de notre situation et de la classe qui nous gouverne.

Oui, j’ai été émue de retrouver au détour d’une phrase ou d’un mot la France que j’aime. La France que j’ai reçue en héritage d’une génération à l’autre.

Mais au-delà des mots, des gestes de ses deux voyages et de ses trois conférences de presse que nous reste-t-il de Macron ?

Macron, de son propre aveu, a fait fausse route. Dans les heures immédiates qui ont suivi la démission d’Adib, son staff cellule de crise pour le Liban était remanié. Sanctionné pour les mauvais conseils. Une méconnaissance visible de la réalité des hommes et des dossiers.

Que puis-je reprocher à un homme – le seul homme politique à avoir porté un regard de compassion et d’empathie vers nous ? Comme De Gaulle avant lui, il ne nous a pas compris.

Pour que la France puisse aider le Liban, elle doit être la France d’un parti, d’un groupe. En l’occurrence des Chrétiens. La France révolutionnaire qui assassinait les prêtres en France a toujours été le champion des Chrétiens du Liban. Quand la France a été puissance mandataire alors oui, elle a tenu la balance égale et nécessaire entre toutes les composantes de notre mosaïque.

Vous me direz que la France a décidé d’aider les écoles chrétiennes ? Merci. C’est vrai. Mais embourbée dans son discours droitdel’homesque voilà que le nouvel attaché culturel – Mme X j’ai oublié son nom – nous dit en substance « ouioui… nous aidons les écoles chrétiennes mais elles ont tant de % d’élèves musulmans… ».

On a tant appelé de nos vœux un mandat français. Weygand est arrivé au Liban avec un parti-pris chrétien. Son premier acte de Haut-Commissaire a été de rétablir l’ordre. A son grand soulagement il y avait autant de brigands musulmans que chrétiens à faire pendre. Sans cela il n’aurait pu faire acte de gouvernement.

Macron, dès ses premières heures au Liban, a pris langue avec ceux-là mêmes qui nous assassinent et nous font exploser. On pensait qu’il aurait été là seulement pour les victimes. Pas pour les autres. Par son geste il se place dans la droite ligne de tous ses prédécesseurs qui l’ont fait avec les Assad, père et fils, et autre Kadhafi. Avec le succès que l’on sait.

Enfin j’ai été profondément choquée par la réitération de ce soi-disant « droit au blasphème ». Beyrouth n’aurait jamais dû être la tribune pour une telle assertion. La France est perçue par tous les barbus comme le soutien des Chrétiens et ceux-ci sont assimilés à la France. Nous n’avions pas besoin de ceci.

Si Macron ressemble à quelqu’un c’est au personnage central du Maître de la Terre (Hugh Benson).

Je vous embrasse une à une 💫

Nevine Toutounji-Hage Chahine

Jeudi 2 octobre 2020

20h52

 

 

jeudi 9 avril 2020

Liban : Les Rameaux du confinement


Monsieur l’abbé Christian Laffargue publie à l’intention de sa « paroisse invisible » un bulletin hebdomadaire que nous attendons tous comme un viatique tous les vendredi dans nos boites à lettre … Bulletin qui est mis en ligne toutes les semaines sur son blog : Blog de l'abbé C. Laffargue - Site spirituel.
A l’occasion de la fête des Rameaux, l’abbé Laffargue m’a demandé de lui faire un mini reportage sur les Rameaux au temps du confinement au Liban. Voici donc ce texte que j’ai la joie de partager avec vous.


Liban : Les Rameaux du confinement

La célébration de la fête des Rameaux est, dans tout l’Orient Chrétien la plus grande des fêtes du calendrier liturgique avec le Vendredi-Saint. Certains curés, tant en Orient que dans la diaspora, se découvrent de nouveaux paroissiens le dimanche des Rameaux.

Fête populaire, fête festive, les Rameaux sont d’abord la fête des enfants qui étrennent souvent de nouveaux habits, des souliers neufs – que d’ampoules aux pieds au bout de la longue procession !!! Une fête et une foule que ne pourra jamais comprendre celui qui ne retrouve pas son âme d’enfant. On se marche sur les pieds, on se bouscule, on tient haut son cierge garni de rameaux d’oliviers et parfois même de bonbons… Dans chacun de nos albums de famille, on retrouve les photos des Rameaux : cierge à la main. Ce cierge est évidemment un sacramental mais la tradition des Eglises Byzantines veut qu’on le porte aussi lors de la procession du Vendredi-Saint lors des funérailles du Christ au bout desquelles claquera le premier Alléluia pascal qui déroute plus d’un Occidental… mais c’est déjà Pâques dans les limbes…

Cette longue introduction est juste là pour vous donner la mesure du sacrifice fait en ce temps de confinement. Sacrifice qui a poussé plus d’un curé de paroisse à trouver LA solution pour apporter à ses paroissiens d’abord la bénédiction de ce jour de fête puis le cierge et le rameau d’olivier.

Les messes de chaque paroisse - ou presque - ont été diffusées en direct sur les réseaux sociaux. Cela déjà est une prouesse quand on connaît la lenteur de la bande passante au Liban et ses bégaiements préhistoriques.

Certains curés ont simplement pris leur voiture chargée de cierges et de rameaux et ont fait le tour de leur paroisse pour les distribuer. D’autres ont carrément trouvé des voitures de procession, type camionnette ou autre. Les voitures étaient abondamment décorées de palmes et de branches d’olivier. Le curé, debout avec son seau d’eau bénite, aspergeait ses paroissiens à leurs balcons ou au pied de leurs immeubles, la sono diffusant à tue-tête les cantiques et antiennes du jour. L’archevêque grec-catholique de Beyrouth, dont la messe était diffusée en directe à la télévision, a demandé à ses fidèles de se munir d’un cierge qu’il a « virtuellement » béni.

Et puis il y a ceux qui ont été encore plus loin dans la créativité pour faire du jour des Rameaux un jour de fête malgré le confinement, malgré le couvre-feu de 19 à 5h du matin, malgré la circulation alternée la semaine et totalement interdite le dimanche. Le curé de la paroisse Saint-Sauveur de Beyrouth a décidé de décorer son église comme pour un dimanche des Rameaux « normal ». A la place des paroissiens il a posé sur les bancs autant de lumignons allumés que le nombre de personnes normalement assises sur ces bancs. Sa messe était une grande messe chantée diffusée sur le site de la paroisse. A la fin de la messe il a enfourché son vélo qui traînait une petite cariole pleine de cierges décorés d’un brin d’olivier. Et c’est comme cela qu’il a fait le tour de sa paroisse bénissant ses paroissiens qui l’attendaient au balcon, pour les handicapés et les plus âgés, ou dans l’entrée des immeubles pour les autres.

Affirmant la résurrection universelle,
avant ta Passion, ô Christ Dieu,
Tu réveilles Lazare des morts.
Et nous, comme des adolescents
portant l’insigne de la victoire,
nous t’acclamons, ô Vainqueur de la mort :
« Hosanna dans les lieux très hauts !
Béni, Celui qui vient au Nom du Seigneur ! »

Tropaire du Dimanche des Rameaux
Liturgie grecque-melkite catholique

Nevine Toutounji-Hage Chahine
Beyrouth, le 5 avril 2020
Dimanche des Rameaux